
La situation
Bâtir des milieux de vie attrayants, durables et complets est une priorité de la CMM et l’un des fondements du Plan métropolitain d’aménagement et de développement du Grand Montréal (PMAD). Une des clés pour y arriver est d’assurer une offre de transport collectif accessible, efficace et abordable.
En favorisant le transport collectif, il est non seulement possible de bâtir des milieux de vie de qualité, mais aussi de contribuer directement à la réduction des gaz à effet de serre (GES) et à l’amélioration de la fluidité automobile, grâce à la baisse du nombre de déplacements véhiculaires.
Depuis l’entrée en vigueur du PMAD, en 2012, près de la moitié des nouveaux logements du Grand Montréal ont été construits à proximité des réseaux de transport collectif, dans des aires TOD[1]. Pour soutenir l’essor de ces quartiers et augmenter la part modale du transport collectif, l’offre de service doit être accrue afin de désaturer le réseau existant et de bonifier les services dans les secteurs moins bien desservis de la région métropolitaine.
Le gouvernement du Québec a aussi adopté plusieurs politiques, plans et stratégies qui contiennent des orientations favorisant un meilleur arrimage entre la planification des transports et l’aménagement du territoire afin d’augmenter le transfert de la part modale de l’auto solo vers des transports durables, dont le transport collectif[2]. Toutefois, bien que le gouvernement reconnaisse que le transport collectif soit essentiel à la lutte contre les changements climatiques, le financement proposé n’est pas suffisant pour maintenir ni bonifier les services.
Le financement du transport collectif dans le Grand Montréal
Jusqu’en 1992, le gouvernement du Québec était le principal contributeur au transport collectif dans le Grand Montréal, offrant un financement équivalent à 40 % du revenu total des sociétés de transport. La part des usagers s’établissait quant à elle à 35 % du revenu des sociétés de transport contre 25 % pour les municipalités. À partir de 1992, la part combinée des usagers et des municipalités est passée à 75 %, alors que celle du gouvernement a chuté à 20 %.
Les usagers et les municipalités sont demeurés les plus grands contributeurs au financement du transport collectif jusqu’à la mise sur pied, en 2017, de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), chargée de planifier, d’organiser, de développer, de financer et de promouvoir les services de transport collectif offerts par les sociétés de transport dans la région métropolitaine de Montréal. L’ARTM est ainsi responsable de la politique de financement du transport collectif et son cadre financier actuel[3] limite la contribution des municipalités à 30 % et fixe celle du gouvernement à 31 %. À noter que la part des automobilistes est aujourd’hui de 5 %, le même taux qu’en 1992.
En 2019, le gouvernement du Québec a lancé le Chantier sur le financement de la mobilité durable pour « cibler les innovations potentielles de la stratégie de financement des transports et évaluer différents outils de financement disponibles ». En février 2025, les résultats de cette démarche se faisaient toujours attendre.
Enjeux
Avant même que la pandémie de la COVID-19 ne frappe, la situation financière des sociétés de transport et des organismes publics de transport collectif du Grand Montréal était précaire. Les revenus tarifaires issus des usagers représentaient alors 31 % du financement du transport collectif dans le Grand Montréal. La pandémie a provoqué une chute importante de l’achalandage, ce qui a occasionné une perte de 52 % des recettes tarifaires entre 2019 et 2021. Depuis, des changements fondamentaux, dont l’avènement du télétravail, perturbent la répartition des charges. Les sociétés de transport, qui offrent un service essentiel à la population, font aujourd’hui face à un important manque à gagner.
La CMM a amorcé des pourparlers avec le gouvernement du Québec au printemps 2023 afin de convenir d’une aide financière qui permettrait d’absorber le déficit provoqué par la pandémie. Elle demandait, pour 2024, une aide de 346 M$, soit 75 % du déficit résiduel. Malgré la forte mobilisation des municipalités du Grand Montréal, le gouvernement a limité son aide financière à 238 M$ pour 2024, un montant qui correspond environ à 50 % du déficit résiduel, évalué à 461 M$ par l’ARTM. La somme accordée par le gouvernement était donc largement insuffisante pour résorber le déficit anticipé en 2024 et pour bonifier les services. La même situation s’est reproduite pour le cadre financier 2025, alors que le déficit atteignait 561 M$ et que la contribution gouvernementale s’est limitée à 200 M$.
Le recul du gouvernement du Québec dans le financement du transport collectif peut être attribué à plusieurs facteurs. Tout d’abord, la pression budgétaire croissante et la nécessité de réduire les dépenses publiques ont poussé le gouvernement à réévaluer ses priorités financières. En conséquence, la part du financement dédiée au transport collectif a été réduite, passant de 40 % du revenu total des sociétés de transport, avant 1992, à 31 %, aujourd’hui.
De plus, le gouvernement a encouragé une plus grande autonomie des municipalités et des usagers dans la gestion et le financement du transport collectif. Cette décentralisation visait à responsabiliser davantage les acteurs locaux et à diversifier les sources de financement. Ainsi, la création de l’ARTM, en 2017, illustre cette volonté de transférer certaines responsabilités financières et organisationnelles aux autorités locales.
Taxe sur l’immatriculation
Afin de boucler le cadre financier 2025 du transport collectif et d’assurer le maintien des services actuels, le conseil de la CMM a été contraint d’adopter, en mai 2024, une résolution visant à accroître la part des automobilistes dans le financement du réseau métropolitain, qui est passée de 8 %, en 2001, à 5 %, en 2023. La part des municipalités et celle des usagers ont, de leur côté, atteint leur maximum.
Depuis le 1er janvier 2025, le montant de la taxe sur l’immatriculation perçue sur les véhicules de promenade immatriculés dans le Grand Montréal s’établit donc à 150 $. Les sommes obtenues permettent d’éponger le résiduel de 361 M$, nécessaire pour boucler le cadre financier de 561 M$ de l’ARTM pour 2025, alors que la contribution gouvernementale se limite à 200 M$, une baisse de 38 M$ par rapport à l’aide consentie en 2024.
Il est à noter qu’en 1992, le gouvernement du Québec a instauré une contribution annuelle de 30 $ sur l’immatriculation pour financer une partie de l’exploitation des sociétés de transport en commun. Ce montant est remis chaque année au ministère des Transports et de la Mobilité durable du Québec et n’a jamais été indexé. De plus, une taxe sur l’immatriculation était perçue depuis 2011 sur le territoire de l’agglomération de Montréal. Celle-ci a été élargie à l’ensemble des municipalités de la CMM et de la Ville de Saint-Jérôme en 2023. Le montant perçu s’établissait alors à 59 $.
Impacts
Les impacts d’un financement insuffisant et imprévisibles se font sentir depuis de nombreuses années au sein des sociétés de transport et se sont intensifiés depuis la fin de la pandémie. En effet, certains éléments du réseau structurant métropolitain sont déjà saturés et la bonification de l’offre, dans l’Est de Montréal et dans les couronnes, notamment, demeure une nécessité.
Alors que les sociétés de transport peinent à couvrir leurs coûts de fonctionnement et sont limitées dans leurs possibilités de développement, une intervention financière importante et récurrente est nécessaire pour éviter des coupures de services, qui viendraient nuire à la qualité du service et à l’achalandage ce qui, ultimement, amputeraient encore davantage leur financement.
La CMM réclame un financement stable et prévisible du transport collectif afin d’en assurer le développement et l’atteinte des cibles métropolitaines et gouvernementales en matière de transport et d’environnement.
La CMM rappelle également que la mobilité durable contribue de manière stratégique à l’aménagement et au développement économique de la région métropolitaine et de l’ensemble du Québec. Selon la Fédération canadienne des municipalités, chaque dollar investi en transport collectif génère 3 $ en croissance économique. Le transport collectif contribue ainsi à l’attractivité et au dynamisme de la région métropolitaine et à l’économie québécoise de plusieurs façons :
- réduction de la congestion routière permettant des gains de productivité;
- création d’emplois directs et indirects;
- réduction de la facture en transport pour les ménages;
- soutien le développement immobilier.
Pour la suite
Lors de sa mise à jour économique de 2024, le gouvernement du Québec a présenté un cadre financier 2025-2028, qui confirme qu’une somme de 776,2 M$ sera octroyée à l’ARTM, en plus d’une aide spécifique de 24,6 M$ dédiée aux couronnes Nord et Sud. Ce plan de financement offrira à l’ARTM plus de prévisibilité jusqu’en 2028. Le travail doit toutefois se poursuivre pour revoir le modèle de financement à long terme, pour permettre le maintien des activités et l’accroissement de l’offre de service afin de répondre aux besoins et aux objectifs du prochain PMAD et du Plan stratégique de développement l’ARTM.
Plusieurs avenues sont envisagées, y compris de nouvelles mesures d’optimisation, mais des changements législatifs et une aide de transition seront nécessaires pour générer des économies importantes et entrevoir une sortie de crise du financement du transport collectif.
La CMM rappelle que le financement du transport collectif doit être cohérent avec les orientations gouvernementales et métropolitaines en matière de mobilité durable. Dans un contexte de crise climatique, un mode de financement qui permet de réinvestir dans le transport collectif est plus que jamais essentiel.
Pour aller plus loin
Rapport de la commission du transport de la CMM | Sources de financement du transport collectif dans le Grand Montréal
Communiqué de presse du 31 octobre 2023 | Financement du transport collectif : la CMM presse le gouvernement de présenter une deuxième offre à la hauteur des besoins
Communiqué de presse du 3 novembre 2023 | Déclaration officielle des maires et mairesses de la CMM dans le dossier du financement du transport collectif
Communiqué de presse du 6 novembre 2023 | Financement du transport collectif : les 82 maires et mairesses de la CMM demandent une rencontre avec le premier ministre
Lettre au premier ministre Legault | Offre bonifiée de soutien au transport collectif de la région métropolitaine de Montréal pour l’année 2024
Communiqué de presse du 30 mai 2024 | Financement du transport collectif : La CMM contrainte d’augmenter la taxe sur l’immatriculation
Notes de bas de page
[1] Le « TOD » (transit-oriented development) est un développement immobilier de moyenne à haute densité, structuré autour d’une station de transport en commun à haute capacité, comme une gare de train, une station de métro, une station du Réseau express métropolitain (REM) ou un arrêt de bus.
[2] Le gouvernement du Québec a publié plusieurs documents stratégiques en lien avec la mobilité durable : Politique de mobilité durable 2030 (2018) et le plan d’action 2018-2023 (2018); Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire (2022) et son plan de mise en œuvre 2023-2027 (2023); Plan pour une économie verte 2030 (2020) et son plan de mise en œuvre 2023-2028 (2023); Stratégie gouvernementale de développement durable 2023-2028 (2023).
[3] Le cadre financier de l’ARTM repose sur la répartition des charges financières en fonction de l’utilisation des services métropolitains par leurs résidents et le partage, sur une base communautaire, des sources métropolitaines de financement pour réduire proportionnellement chaque déficit attribué aux villes.