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Au Québec, les populations de cette grenouille décroissent à un rythme inquiétant. Comme le territoire disponible à l’urbanisation se raréfie, les milieux humides, les boisés et les autres milieux naturels qui font office de résidence pour la biodiversité de la région métropolitaine sont convoités… Et lorsqu’ils sont cédés à un usage résidentiel, par exemple, l’habitat des espèces est détruit sans possibilité de retour en arrière .

Protéger l’habitat de la rainette faux-grillon, un incontournable pour la biodiversité

Rainette faux-grillon
Photo : Lyne Bouthillier

Avril. C’est la période de l’année où la rainette faux-grillon de l’Ouest se fait remarquer. Cette grenouille est toutefois difficile à repérer : elle est toute petite (2,5 cm de taille) et elle se camoufle grâce au changement de la couleur de sa peau selon le moment de la journée pour éviter les prédateurs. Elle jouit ainsi de sa tranquillité… pour chanter! Portrait de cet amphibien surprenant et menacé par l’activité humaine. 

Durant la période de reproduction au printemps, son chant, particulier et distinctif, peut être entendu jusqu’à un kilomètre de distance. Il ressemble à un crissement sec, comme si on passait un ongle sur les dents d’un peigne. Déterminée à trouver un partenaire, la rainette peut faire ses vocalises de jour comme de nuit. 

Cette symphonie se déroule en eau peu profonde dans des milieux humides (prairies humides, marais ou mares temporaires) qui s’assèchent une fois l’été arrivé. Ils constituent des endroits de prédilection pour les rainettes puisque les principaux prédateurs, comme les poissons, ne s’y trouvent pas au printemps. 

Ces prédateurs ne représentent toutefois pas le seul danger pour cette espèce désignée comme étant vulnérable au Québec et menacée au Canada. Les développements urbain et agricole ont un impact important sur les milieux humides vitaux pour la rainette faux-grillon de l’Ouest. Ainsi, le remblayage et le drainage des terres, l’usage de pesticides et la pollution créent un stress pour cet amphibien. Les changements climatiques et l’apparition d’espèces envahissantes comme la phragmite influent également sur l’environnement et les sources d’alimentation de l’espèce. 

Un déclin alarmant

Au Québec, les populations de cette grenouille décroissent à un rythme inquiétant. Comme le territoire disponible à l’urbanisation se raréfie, les milieux humides, les boisés et les autres milieux naturels qui font office de résidence pour la biodiversité de la région métropolitaine sont convoités… Et lorsqu’ils sont cédés à un usage résidentiel, par exemple, l’habitat des espèces est détruit sans possibilité de retour en arrière. 

Au Québec, la rainette faux-grillon de l’Ouest est présente dans les milieux humides de la Montérégie, de l’île Perrot, de la couronne Sud de Montréal, entre Beauharnois et Boucherville, et dans la portion sud de la région de l’Outaouais. Voyez par vous-même son habitat identifié en rose sur cette carte du Grand Montréal.

Un exemple qui illustre cette réalité est le chant si unique de la rainette qui ne tonne plus aussi fort qu’auparavant. Un inventaire réalisé en 2014 estimait que le nombre de « chorales » avait diminué de 45 % au cours des 10 années précédentes. Durant cette même période, le nombre d’étangs de reproduction aurait aussi diminué de 15 à 20 %. Puisque la rainette, une fois adulte, vit dans un rayon de 250 mètres de son milieu de reproduction, cette grenouille peu migratrice s’établit difficilement dans d’autres milieux naturels. Et la fragmentation de ses habitats n’aide en rien…

Le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) mène d’ailleurs des travaux d’inventaire de la rainette faux-grillon dans certaines municipalités en Montérégie, en pleine période de chants de reproduction. 

Un pas en avant dans la protection de son habitat

Dans un rapport de 2021, un groupe de travail intergouvernemental dont fait partie la CMM a évalué que le niveau de menace est très élevé pour la rainette faux-grillon de l’Ouest dans le Grand Montréal, dont l’habitat est affecté par l’activité humaine. 

Des mesures s’imposaient donc pour protéger davantage de milieux naturels, notamment les milieux humides berceaux de cette espèce à statut précaire. En avril 2022, la CMM a pris les grands moyens en adoptant le règlement de contrôle intérimaire (RCI) 2022-96 concernant les milieux naturels qui protège plus de 3 300 ha d’habitat essentiel de la rainette faux-grillon. 

Concrètement, ce RCI a pour effet d’interdire toute construction, tout ouvrage, tous travaux ou toute activité dans les milieux naturels, ce qui comprend les milieux terrestres et humides d’intérêt métropolitain ciblés par la CMM et l’habitat de la rainette faux-grillon, sauf exceptions prévues. 

Protéger les milieux naturels, une compétence de la CMM

La CMM a compétence en matière de protection et de mise en valeur du milieu naturel en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. Avec son objectif ambitieux de protéger 30 % du territoire métropolitain d’ici 2030, la CMM passe à une plus grande vitesse. 

La protection des milieux naturels, c’est une façon de renforcer la résilience du Grand Montréal face aux changements climatiques et de freiner la perte de biodiversité. Cela passe par un réseau de milieux naturels et de parcs qui, idéalement, sont connectés afin de faciliter la migration des espèces et de rendre les espaces verts plus accessibles aux citoyen·nes. La CMM entend accélérer l’acquisition et la mise en valeur de ces sites au cours des prochaines années par l’entremise de son programme d’aide financière de la Trame verte et bleue. 

Pour ce faire, elle souhaite voir ce programme bonifié par une contribution du gouvernement du Québec dédiée exclusivement à la protection des habitats de la rainette. Le soutien du gouvernement est également demandé pour la mise sur pied d’un programme d’acquisition des espaces présentant un potentiel de reconversion en espace vert ou en milieu naturel. Une enveloppe de 100 M$ serait un bon point de départ pour appuyer l’objectif métropolitain de protection de 30 % du territoire. 

Rappelons que le gouvernement du Québec s’est lui aussi engagé, lors de la COP15, à ce que 30 % du territoire québécois fasse l’objet de mesures de conservation d’ici 2030. Cette cible figure par ailleurs dans son Plan nature 2030, et l’effort métropolitain contribuera à son atteinte. 

Tout le monde est ainsi gagnant : les gouvernements supérieurs et locaux et les citoyen·nes qui gagnent en qualité de vie en ayant accès à des zones de biodiversité protégées. 

C’est sans oublier la modification éventuelle – et tant attendue par les municipalités – de la Loi sur l’expropriation, qui établirait le calcul d’une indemnité sur la base de la juste valeur marchande sans tenir compte des revenus potentiels que pourrait dégager un propriétaire. 

Ces changements législatifs et réglementaires du gouvernement, jumelés aux efforts de la société civile, seront les voies de salut dans un contexte où nous devons répondre à la crise écologique et développer une plus grande résilience au changement climatique. Les générations de demain profiteront ainsi d’aires naturelles où l’équilibre de la biodiversité est maintenu, avec des populations saines de rainettes faux-grillon, qui jouent leur rôle dans la chaîne alimentaire. 

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